Descendre dans la rue est considéré comme l’une des armes redoutables de la démocratie en Afrique depuis le Printemps arabe en 2011 ayant entrainé d’importants bouleversements dans certains pays africains. Dans la plupart des cas, les manifestants expriment un ras-le-bol généralisé contre le pouvoir. En République démocratique du Congo, alors que le doute persiste sur la tenue des élections présidentielle et législatives dans le délai constitutionnel, la tension monte.
Face aux ambitions de certains membres de la Majorité présidentielle de prolonger le mandat de l’autorité morale de leur famille politique dans les affaires, les manifestations sont vues comme un moyen efficace pour exiger le respect de la Constitution. Celles du 19 au 21 janvier 2015 contre l’adoption d’un alinéa contenu dans le projet de révision de la loi électorale qui conditionnait la tenue des élections par un recensement général de la population en est un exemple riche en enseignements. Depuis ces évènements, l’opposition ne cesse de menacer de mobiliser le peuple conformément à l’article 64 de la Constitution en vue de sortir dans la rue pour exiger la tenue des élections au cas où le pouvoir refuserait de respecter la Constitution. Elle a décrété une journée ville-morte le 16 février prochain et ses menaces sont prises très au sérieux par le régime. A Kinshasa, les rassemblements publics sont soigneusement contrôlés par la police au point que certains habitants fustigent une « intimidation » des hommes du Commissaire provincial de la police de Kinshasa, le Général Célestin Kanyama. En effet, le Chef de la police de la capitale s’est illustré ces derniers jours par une série de mesures sous prétexte d’assurer de l’ordre public. Il a notamment embarqué à bord d’un pick-up de la police pour évacuer la dépouille de la chanteuse Marie Misamu vers le cimetière, trois heures plus tôt, intriguant plusieurs Kinois qui devaient se rendre au stade des Martyrs pour rendre des derniers hommages à la disparue. Le 8 février dernier, à l’occasion du retour des Léopards, c’est encore le Général Kanyama et ses hommes qui ont évacué à vive allure le cortège des champions de la 4ème édition du Chan au grand dam de la population qui s’était mobilisée massivement. Découragés, beaucoup ont boycotté la cérémonie de présentation du trophée, organisée le mercredi 10 février au stade des Martyrs.
Qui a peur de qui ?
Considéré comme une année qui devait, théoriquement voir les Congolais aller aux urnes pour élire un nouveau président de la République, 2016 ne promet à ce stade que la tenue de l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs des nouvelles provinces. L’organisation des élections présidentielle et législatives le 27 novembre est plus qu’incertaine. Pour une bonne franche de la population, la RDC doit avoir un nouveau président à la fin de cette année, d’où l’usage des slogans tel que « Kabila Yebela » alors que du côté de la majorité présidentielle, l’on ne cache pas le désir de le voir rester au pouvoir au-delà des limites constitutionnelles en scandant le fameux « Wumela ».
Vraisemblablement, la peur est omniprésente dans tous les cas: Opposition, Majorité, Société civile et même la police.
R. Djanya