L’opération de contrôle de la paie des agents de l’Etat menée depuis début mars dans 12 ministères pilotes rencontrerait une opposition du ministère d’Etat chargé du Budget, selon une source syndicale qui s’est confiée à Congo Nouveau. Financée par la Banque mondiale, préoccupe cette opération vise à récupérer des fonds détournés dans l’administration publique en vue d’améliorer les conditions des fonctionnaires par notamment la mécanisation et l’ajustement des salaires. Mais ce travail salué par les masses laborieuses et qui s’inscrit dans le cadre de la Réforme de l’Administration publique voulue par le Chef de l’Etat, Joseph Kabila, est découragé par ceux qui ne voudraient en aucun cas voir les réseaux mafieux de détournement de salaires des agents être démantelés.
Selon une source de l’Intersyndicale Nationale de l’Administration publique, la discorde serait partie de l’opposition du ministère d’Etat chargé du Budget au choix des syndicalistes pour mener l’opération. « Au départ, la mission de contrôle était composée essentiellement des inspecteurs des Finances qui se sont vite révélés corruptibles au regard de certaines irrégularités constatées. C’est pour des raisons de professionnalisme, de clarté et dans le souci de faire participer les principaux concernés que cette mission a été confiée aux syndicalistes des différents ministères, eux qui sont supposés bien maitriser leurs secteurs respectifs », explique sous anonymat un syndicaliste.
A l’en croire, le ministre d’Etat chargé du Budget, Pierre Kangudia Mbayi, aurait préféré, à la surprise générale, reconduire les inspecteurs des Finances dont certains se seraient déjà rendus coupables des sérieux faits de corruption. « D’aucuns n’ignorent que tous les fonctionnaires de l’Etat éparpillés à travers le pays ont salué cette opération qui va rendre possible une augmentation de leurs salaires et la paie du premier salaire pour ceux qui sont encore non-payés. Mais le fait que le Ministre du Budget se soit levé pour bloquer brutalement la procédure laisse à penser que sa décision est influencée par ceux qui trouvent leurs comptes dans la corruption qui gangrène l’Administration publique », regrette-t-il.
Pour en savoir davantage, Congo Nouveau a interrogé un membre de l’Observatoire de Surveillance de la Corruption et de l’Ethique professionnelle, une structure associée à cette opération, qui fournit d’autres éléments qui font croire que Pierre Kangudia est loin d’être innocent. «Considérant qu’à ce jour, seuls la maitrise des effectifs et l’encadrement du personnel pourront permettre à l’Etat congolais de prendre en charge la totalité de ses fonctionnaires, la Banque Mondiale appuie l’opération de contrôle des effectifs. Et comme le Ministre du Budget doit donner son aval pour débloquer ces fonds, il s’avère que ce dernier refuse pour des raisons encore inconnues, d’ordonner le décaissement pour permettre aux missionnaires de poursuivre leur travail », se confie-t-il.
Cette information confirmée par une source du Ministère du Budget mais qui n’a pas souhaité faire de commentaires sur un dossier qu’il a décrit comme « très sensible et dans lequel il y a à boire et à manger ». A boire et à manger justement, il y en a car, c’est la survie des familles de fonctionnaires de l’Etat qui est en jeu. Tous les efforts entrepris par notre rédaction pour faire réagir les services du Ministère de la Fonction publique n’ont pas abouti.
La réforme de l’Administration publique en danger
La mission de contrôle de la paie des agents de l’Etat s’inscrit dans le cadre de la Réforme de l’Administration publique qui elle, a quatre axes prioritaires à savoir: la maîtrise des effectifs, la mise à la retraite honorable, la titularisation et promotions des fonctionnaires ainsi que la rationalisation des structures de l’Administration publique.
Lancée dans 12 ministères pilotes notamment, le Budget, Finances, Fonction publique, Sports et autres, cette opération concerne, dans sa première phase, la ville de Kinshasa avant de s’étendre sur l’ensemble du pays. Effectuée par plus de 500 missionnaires, principalement des syndicalistes de l’Administration publique, elle est exécutée par la Cellule de mise en œuvre de la réforme de l’Administration publique (CMRAP) et a déjà permis de mécaniser 20 000 agents.
Mais le blocage que dénoncent certains syndicalistes n’est certainement pas une bonne nouvelle pour des agents de l’Etat qui voient leurs espoirs s’envolés.
CN