Décriée pour la plupart de partis politiques de l’opposition, la machine à voter adoptée par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), pour départager les protagonistes politiques congolais, est remise en cause par les autorités sud-coréennes. L’Ambassade de la Corée du Sud basée à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo (RDC), se désolidarise du fabricant Miru Systems, mais surtout «prévient des risques du retard additionnel à la tenue des élections. »
Le sujet a fait la Une de presque tous les journaux parus ce mardi 3 avril à Kinshasa. En effet, réagissant à un article publié le 15 mars dernier par le magazine Jeune Afrique, sur le contrat que la CENI a signé avec la société sud-coréenne Miru Systems pour l’acquisition des machines à voter, l’ambassadeur de la Corée du Sud, en RDC, a adressé un document à la rédaction du magazine français dans lequel il donne la « position officielle » de son pays.
« Le Gouvernement coréen a dûment expliqué au fabricant les risques potentiels en cas d’exportation de ces machines », écrit l’ambassadeur de la Corée du Sud dans son courtier adressé à Jeune Afrique. Plus particulièrement, poursuit-il, « exporter ces machines en République Démocratique du Congo pourrait donner au gouvernement congolais un prétexte pour (obtenir) des résultats indésirables liés aux élections, notamment (un) retard additionnel à leur tenue ».
Ce n’est pas tout. Dans sa lettre, l’ambassadeur sud-coréen a fait savoir au magazine français que l’Association mondiale des organes de gestion des élections (A-WEB), une organisation sud-coréenne qui fournissait un soutien technique à la CENI, « a rompu ses liens avec la RDC, suivant la position du gouvernement sud-coréen en décembre 2017 ».
La balle dans le camp de la CENI
Maintenant que le gouvernement sud-coréen vient de donner raison à ceux qui n’étaient pas chauds avec l’utilisation de la machine à voter lors des prochaines élections présidentielle et législatives nationale et provinciale en RDC, une question s’impose : que va faire Corneille Nangaa, le président de la CENI ? Car, à tous ceux qui récusent l’utilisation de la machine, le président de la CENI leur brandit cette menace : « Sans machine à voter, il n’y aura pas des élections à la date prévue, c’est-à-dire le 23 décembre 2018 ».
Interpellées, les autorités de la CENI estiment qu’elles ne sont pas concernées par la position de Séoul. Pour la centrale électorale, « en matière de la machine à voter, elle traite avec l’entreprise privée Miru Systems et non avec le gouvernement sud-coréen ». Pour sa part, Olivier Kamitatu, un proche de Moïse Katumbi, candidat déclaré à la prochaine présidentielle, « le fabricant coréen de la machine à voter doit être poursuivi pour association mafieuse ».
« La machine à voter est aux élections ce que le dopage est au sport. Mais en pire, car il y va de l’avenir de toute une nation. Tout comme le médecin ripoux qui aide à tricher est passible de très lourdes peines, le fabricant sud-coréen doit être poursuivi pour association mafieuse », a argumenté le porte-parole de Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur de l’ex-province du Katanga.
La dénonciation du gouvernement sud-coréen vient de renforcer les doutes des opposants congolais sur la fiabilité de la machine à voter. Cette donne devrait, en principe, fléchir la rigidité des autorités de la CENI – qui ne semblent écouter personne – sur ce débat.
CN