Élection présidentielle 2018: Pourquoi Emmanuel Ramazani Shadary va l’emporter

Une élection qu’on veut gagner se prépare longtemps en amont.L’élection présidentielle couplée aux législatives nationales et provinciales, prévue le 23 Décembre 2018 a été reportée au 30 décembre 2018, sur décision de la CENI pour des raisons techniques. Avant ce triple scrutin, la victoire annoncée du candidat du FCC ne fait plus de doute, car, Emmanuel Ramazani Shadary trône en tête des intentions de vote de toutes les enquêtes de sondage sérieuses. En effet, les spécialistes en analyse électorale s’accordent sur un postulat.

Un scrutin se gagne à 90% lorsqu’elle est rationnellement préparée longtemps en amont du jour de vote. La préparation électorale vise la réussite du ciblage géographique, sociologique, idéologique et thématique de l’électorat, en ayant à l’horizon une visibilité politique suffisamment éclairée. Vu l’ampleur des défis à affronter et les embuches à contourner au parcours du processus électoral en cours, sauf miracle, l’opposition politique congolaise n’affiche aucune chance de l’emporter ce 30 décembre 2018. En effet, l’opposition n’a pas vu venir la tenue effective de ces élections, s’étant bornée à décider que le président Joseph KABILA se représenterait pour un troisième mandat consécutif et lui offrirait ainsi sur un plateau d’or l’occasion d’actionner l’article 64 de la constitution. De son côté, le président Joseph Kabila, lui, l’a dit et répété de manière imperturbable, être déterminé à procéder pour la première fois en RDC à la passation civilisée du pouvoir avec son successeur, qu’il espère être son dauphin désigné. Depuis trois ans donc, le président Joseph KABILA s’y est minutieusement préparé en conséquence. Le choix d’Emmanuel Ramazani Shadary comme «Dauphin» et candidat président de la république du Front Commun pour le Congo (FCC) fait partie du processus stratégique de cette préparation, fruit d’une démarche savamment élaborée qui figurera dans les anthologies des sciences Pô des grandes universités du monde. Pendant que le Président Joseph Kabila y allait avec assurance, l’opposition, elle, s’embrouillait, d’abord dans le schéma insurrectionnel du type Burkinabé, ensuite en comptant sur le vote contestataire massif en cas de la ténue effective de ces élections. Et même lorsque le schéma insurrectionnel paraissait de plus en plus inopérant au profit de la voie démocratique, l’opposition ne s’est pas donné la peine de canaliser son espoir de vote contestataire sur lequel il a fondé son agenda électoral. À défaut de se doter d’une organisation digne en appui d’un travail méthodique en amont, l’opposition croit gagner les élections à l’avance, comptant sur le vote contestataire de «son peuple ». Elle y est confortée par les manifestations de rue de ces trois dernières années avec le soutien de certains lobbies étrangers. Cependant, dans ce vaste espace de la géopolitique congolaise, il n’y a pas que le vote contestataire qui tienne. Bien entendu, on peut également compter sur le vote d’adhésion (réfléchi), mais aussi sur le vote sentimental sous ses multiples aspects, que sont le fanatisme, l’ethnisme ou autres affinités psychologiques et sociologique etc. En tout état de cause et au-delà de ces caractéristiques, la qualité du discours électoral forme la conviction de l’électeur congolais, seul devant sa conscience. Dans les lignes qui suivent, j’éviterai de comparer le parcours académique et professionnel des principaux candidats. N’empêche que je puisse brièvement signaler que contrairement à ces deux principaux challengers, Emmanuel Ramazani Shadary a le mérite de la grande maitrise des questions nationales de par sa riche biographie. En tant que scientifique d’abord, mais surtout au regard de sa très longue expérience d’homme d’État débutée comme assistant du célébrissime Professeur Marcel Lihau, coprésident de l’UDPS, à la Conférence Nationale Souveraine, en passant par son passage réussi à toutes les étapes de la territoriale pour ainsi diriger le Sensible département de l’intérieur et sécurité.

Les caractéristiques essentielles du vote congolais
D’entrée de jeu, il sied de retenir que la géopolitique Rd-congolaise a ses particularités. En plus d’incontournables paramètres politiques, de capacités organisationnelles et logistiques qui balisent la voie à la victoire électorale, la pêche au vote congolais reste essentiellement sociologique et psychologique. En RDC, le vote est moins politique que sentimental. Ça c’est de un. De deux, la République Démocratique du Congo est un sous-continent à population multiculturelle. L’opinion politique de l’électeur de Kinshasa diffère sociologiquement et culturellement de celui de l’électeur de Kalemie, de Lodja, de Bunia ou de Gbadolite, pour ne citer que ces différences, parmi des dizaines des facteurs définissant la diversité de l’électorat congolais. De trois, l’influence du clivage Est-Ouest-Centre demeure toujours présente sur l’échiquier politique de la RDC. Qui plus est, le vote sociologique prend désormais du relief suite aux effets du démembrement des provinces depuis lors passées de onze à vingt-six. Ainsi s’observe-t-il des retombées palpables des transferts d’influence du leadership politique de dix centres de décision provinciaux de jadis à vingt-cinq autres centres d’intérêts géographiques et sociologiques différents. Une sorte de redistribution des cartes géopolitiques à effet multiplicateur. L’exemple de l’ex-Katanga en est une illustration parfaite. En effet, le leadership politique exercé auparavant depuis Lubumbashi par l’ancien Gouverneur Moïse KATUMBI n’a plus d’influence significative au Lualaba ou au Tanganyika. De la même manière que la nouvelle province de l’Ituri était en tête de peloton à réclamer le démembrement prévu par la constitution, revendication aujourd’hui payante, ne dépend plus du leadership exercé de la lointaine métropole Kisangani.

En matière électorale Kinshasa n’est donc pas le miroir de la RDC
Les leçons à tirer de ces observations sont de plusieurs ordres se résumant en ceci : Une élection présidentielle en RDC ne peut se gagner en ne misant que sur l’opinion et le vote dominant d’une seule partie de la république où l’on croit disposer d’une ascendance politique, psychologique ou sociologique. La RDC compte désormais 26 provinces situées dans la majorité de cas éloignées géographiquement, culturellement et sociologiquement les unes des autres. La conséquence qui se dégage de ce constat ferait dire à tout observateur avisé qu’avec l’unique circonscription électorale s’étendant sur l’immense territoire national, la course à la présidentielle en RDC est une affaire des grandes stratégies électorales à l’appui des gros moyens intellectuels, financiers et logistiques qu’il faille déployer dans le temps et dans l’espace, les yeux rivés sur la cartographie électorale à l’échelle nationale. L’accession à la magistrature suprême en agitant simplement la rue à Kinshasa et dans quelques grandes villes où le chômage bat son plein, parait donc pour l’opposition comme la voie de la facilité et le raccourci sur lesquels elle y mise ses calculs politiques depuis trois ans. D’où son impréparation coupable face aux grands défis d’affronter la bataille des urnes dans un pays à dimension continentale. D’autant plus que depuis deux mandatures, l’opposition congolaise a brillé par une lutte de positionnement alors qu’elle aurait dû viser l’alternance démocratique en commençant par fédérer ses forces autour d’un porte-parole constitutionnel. En plus de n’avoir pas suffisamment préparé les élections connues à tour unique, l’opposition a plutôt joué à l’enfant choyé de la communauté internationale auprès de qui elle allait régulièrement mendier la légitimité de diriger le pays.
Au plan intérieur donc, la victoire annoncée du candidat du FCC, Emmanuel Ramazani Shadary fondée à la fois sur le vote d’adhésion et sociologique, trouve ainsi son explication à l’analyse des stratégies mise en place depuis plusieurs mois par le président Joseph Kabila Kabange au regard des éléments ci-dessus décrits. Par ailleurs, cette victoire attendue sera aussi à certains égards une cuisante défaite de l’opposition, vue comme branche intérieure des pressions impérialistes contre notre pays, sur lesquelles les principaux leaders de l’opposition comptent. De la rencontre de l’Ile de Gorée en passant par Genval et Genève, l’opposition congolaise n’a pas fait mieux que de s’arrimer sur les agendas obscurs des lobbies impérialistes et néo-colonialistes contre les intérêts nationaux, alors qu’une élection en RDC, comme partout ailleurs, reste la rencontre d’un leader, un parti, ou une coalition politique avec le Congo profond.
Vu ce qui précède, pourquoi Emmanuel Ramazani Shadary va remporter l’élection présidentielle ? Réponse à trois volets :
Soutien politique à l’échelle nationale
De un, le volet organisation politique. La coalition au pouvoir s’étant résolu de rempiler à l’issue du troisième cycle électoral de la troisième république, a misé sur le vote sociologique et d’adhésion à l’échelle nationale. Aussi, le FCC comme méga plateforme multidimensionnelle, s’est donnée comme vocation de regrouper en son sein la grande majorité des forces politiques et des leaders d’opinion qui comptent issus des origines sociologiques et culturelles représentatives de notre nation. De là, le chemin vers la victoire de cette coalition à tous les niveaux est amplement balisée. Sur le terrain politique, faute d’élection à la base, le pouvoir en place s’était déjà arrogé le soutien massif de tous les cadres politico-administratifs sur l’ensemble du territoire national, facilitant ainsi l’implantation dans le Congo profond des structures des partis phares de la majorité présidentielle. Une longueur d’avance indéniable sur l’opposition réduit à squatter l’espace contestataire, du reste résiduel dans certaines grandes métropoles comme Kinshasa, Lubumbashi, Goma et Mbuji-Mayi. Pourtant, la cartographie électorale démontre que l’écrasante majorité de l’électorat congolais vit dans l’arrière-pays, particulièrement dans la partie Est du pays et généralement déconnecté du débat de politique politicienne propre à l’opposition. Qui plus est, cet électorat reste attaché au leadership communautaire des leurs, présents dans les institutions du pays, tel que des leaders connus et représentatifs font régulièrement des descentes à la base, menant des actions caritatives à impact immédiat et visible, préludes à l’offre électorale. En terme de vote sociologique, le candidat du FCC a ainsi courtisé au maximum l’électorat de la partie Est du pays lequel représente plus de 55 % d’enrôlés. C’est justement en relayant la campagne présidentielle par une vaste occupation de terrain jusqu’à la base que les leaders politiques et autres signataires de la charte du FCC, candidats aux scrutins législatifs nationaux et provinciaux ont marqué par leur action respective la présence d’Emmanuel Ramazani Shadary dans les fins fonds de l’arrière-pays. Sans surprise de sa paresse politique, l’opposition reste misérablement absente de la grande majorité de l’espace de l’arrière-pays. Il nous revient également que ses effectifs de témoins ne représentent pas grand-chose, alors qu’ils sont attendus dans les bureaux de vote. Cette carence grave va payer cash.
Efficacité logistique et déploiement maximal
De deux, volet logistique et déploiement conséquent sur toute l’étendue de la république : Le FFC s’est manifestement affirmé comme une grande machine électorale huileuse, hyper équipée et dotée des moyens humains à la dimension de l’immense territoire national à conquérir. À preuve, Emmanuel Ramazani Shadary est le seul candidat président de la république, parmi les 21 autres à avoir parcouru 25 villes, chefs-lieux des 25 provinces de l’arrière-pays et la ville de Kikwit dans l’ex-province de Bandundu. Tandis-que le candidat de LAMUKA n’a fait que 13 villes, alors que celui de CACH n’en a fait que 11. À cette moisson complète à l’actif de FCC, il faut ajouter la visite des chefs-lieux des territoires reconnus comme réservoir des grands nombres d’électeurs enrôlés par la CENI. Parmi eux les territoires de Bumba (405 314 électeurs) Aru (469 536 électeurs), Mahagi (545 268 électeurs), Djugu (577 069 électeurs) et Kambove (211 193 électeurs), à l’instar des plusieurs autres territoires conquis par les candidats du FCC, où ceux de l’opposition ne sont pas arrivés. Il est indéniable de reconnaitre que contrairement à l’opposition, le FCC a réellement fait campagne en mobilisant tous les moyens et méthodologies de campagne à son actif. Des rencontres avec les leaders locaux et des communautés de base ont suivi tous les meetings organisés par le candidat Emmanuel RAMAZANI SHADARY, ce qu’aucun de ses adversaires n’a osé entreprendre. Tous les témoignages s’accordent sur le fait que pendant la campagne qui s’est achevée, les affiches et banderoles des candidats de l’opposition, déjà à peine visible dans les grandes villes, ont été de loin introuvables dans le Congo profond. L’omniprésence du FCC dans toute les circonscriptions, là où dans beaucoup de cas l’opposition n’a pas postulé ne peux que présager de la déconfiture annoncée de cette dernière. D’autant plus que sur un total de 34.995 candidats députés nationaux et provinciaux, l’opposition, toute tendance confondue n’a aligné que 8.695 candidats, soit 25% de l’effectif. Il est des nombreuses circonscriptions où l’opposition est totalement absente. Ce flagrant écart de chiffres résume tout. En substance, l’opposition ne disposera de majorité, ni à l’Assemblée Nationale, encore moins dans les Assemblées Provinciales.

La pertinence et le réalisme des promesses électorales
De trois, volet message politique : Pourquoi l’opposition va perdre? Deux réponses parmi tant d’autres facteurs à la base de son échec prévisible : De un, l’opposition n’a pas réussi à faire bloc autour d’un candidat commun dans le contexte d’un scrutin présidentiel à tour unique face au candidat du FCC. Les épisodes de Genève et de Nairobi ont constitué pour l’électeur des messages de positionnement personnel et de désorganisation de l’opposition, attitudes aux antipodes de la recherche de l’intérêt commun. La division de l’opposition en plusieurs clans électoraux va inexorablement consacrer l’émiettement de ses voix en faveur du seul candidat du FCC, qui gardera intact son quota, en plus des votes d’adhésion attendus des déçus de l’opposition vers le FCC. De deux, l’incohérence et la cacophonie dans le discours de l’opposition sur la machine à voter et le fichier électoral de la CENI vont faciliter l’adhésion de la majorité d’électeurs aux messages de campagne du candidat du FCC marqués par la constance et la pertinence de ses promesses électorales. Le peu de voix que pourraient récolter les deux principaux candidats de l’opposition sera constitutifs de l’opinion fanatique, messianique et contestataires, du reste récessive. Au demeurant, le candidat de la coalition au pouvoir a envoyé aux électeurs des messages d’espoir, forts et sans équivoque sur sa détermination, une fois élu, à mener un combat acharné contre les antivaleurs qui plombent la bonne marche du pays. Le ciblage thématique exploité par le candidat du FCC partout où il s’est adressé aux électeurs a visé les réponses réelles attendues par les électeurs chacun dans son milieu, ce qui va justifier un vote d’adhésion massif. L’assise sociologique réelle du camp d’Emmanuel Ramazani Shadary au travers la présence des leaders du FCC dans les coins et recoins du pays, facilitera cette adhésion. Car, l’essentiel de son message est resté axé sur la lutte pour la bonne gouvernance et la sauvegarde de l’intérêt public, l’amélioration conséquente du pouvoir d’achat des masses laborieuses, ainsi que l’effort à consentir dans la poursuite de la reconstruction et la satisfaction des besoins sociaux de base. Le volet sécurité n’a pas été en reste. Enfin, Non-conflictuel, Emmanuel Ramazani Shadary a fait preuve d’élégance politique envers ses adversaires, à l’opposé des discours incendiaires de ces derniers entendus çà et là. Cette différence ne passera pas inaperçue dans la conscience du congolais réputé pacifique. Par contre, le message des candidats de l’opposition n’ont pas fait mieux que de camper sur des positions contestataires antikabila primaires, sans proposer des reformes concrètes pouvant améliorer le bien-être de nos populations. Pourtant le congolais attendait mieux que le discours de la haine, l’intox, la diabolisation et les promesses messianiques.
Daniel MAKILA KANTAGNI, Analyste politique et cadre du PPRD

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