A ceux qui voient la République Démocratique du Congo (RDC) devenir un pays émergent en 2030, l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito, dans sa 11ème tribune, affirme qu’à l’horizon 2030, « l’émergence de la RDC ne sera pas au rendez-vous ». Il estime même que « le peuple pourrait de ce fait, basculer dans le doute, le désespoir et le scepticisme, quant à son avenir et à celui du pays et être tenté à la casse en déversant sa colère sur les dirigeants du moment ». Voici in extenso la 11ème tribune d’Adolphe Muzito.
LA PROBLEMATIQUE
Nous avons affirmé dans notre 4ème tribune que la RDC n’était pas éligible d’ici 2030 à l’émergence, au sens classique de la définition de ce concept.
Il nous semble n’avoir pas convaincu les élites et certains dirigeants politiques congolais qui continuent à rabâcher les oreilles du peuple avec cet objectif, qu’ils prétendent être à la portée de notre pays à l’horizon 2030. Il se pose la question de savoir si ceux-ci sont dans une erreur d’analyse ou de vision ou plutôt plongés dans une simple approche de propagande.
En attendant, nous avons résolu de revenir sur cette problématique, avec un argumentaire chiffré, pour tordre le coup à cette idée, qui de notre point de vue, risque de désorienter notre peuple.
Car, à l’horizon 2030 l’émergence de la RDC ne sera pas au rendez-vous. Le peuple pourrait de ce fait, basculer dans le doute, le désespoir et le scepticisme, quant à son avenir et à celui du pays et être tenté à la casse en déversant sa colère sur les dirigeants du moment.
C’est ainsi que nous formulons la question suivante : Est-ce que la RDC, sans une période de transition, avec son PIB actuel de 500$ par habitant par an, peut-elle en 15 ans, passer de son statut de pays sous-pauvre en 2015 (le Congolais vit avec 1,40$ par jour) à celui de pays émergent dont le PIB par habitant varie entre 7.000$ et 20.000$ par an (l’habitant d’un pays émergent vit avec un revenu qui varie entre 20$ et 55$ par jour) ?
La période de transition s’explique par le fait qu’entre un pays sous-pauvre et les pays émergents, il existe successivement deux types des pays : les pays pauvres et les pays en voie d’émergence.
Ainsi, pour la RDC, la première phase correspondrait au passage de son statut actuel de pays de sous-pauvre avec un PIB de 500$ (le Congolais vit donc avec 1,40$ par jour, soit en dessous du seuil de pauvreté nouvellement fixé à 1,80$) à celui de pays pauvre ayant un PIB/habitant moyen de 1.500$ (un habitant d’un pays pauvre vit dans la fourchette de 1,80 à 10$ par jour) ;
La deuxième phase correspondrait au passage de statut de pays pauvre avec un PIB de 1.500$ à celui d’un pays en voie d’émergence dont le PIB/hab varie entre 5.000 et 12.000$ par an ;
La troisième et dernière phase de transition consisterait au passage du statut de pays en voie d’émergence à celui d’un pays émergent.
Notre objectif dans cette tribune est d’inciter les dirigeants que nous sommes à changer de vision sur l’avenir du pays et à proposer à notre peuple, une direction claire et réaliste qui soit à la portée du pays, en nous basant sur ses acquis économiques et financiers dont les bases sont actuellement menacées.
Ces acquis sont le fruit de nombreuses réformes engagées par le Gouvernement ces 12 ou 15 dernières années. Ce sont ces réformes qui ont conduit à la stabilité du cadre macro-économique et à un niveau de croissance économique supérieur à la moyenne africaine.
Ainsi, la démarche de la tribune se décline comme ci-après :
– Elle analyse et définit le concept d’émergence en le plaçant dans le contexte global des notions de développement, de sous-développement et de pauvreté ;
– Elle fixe les repères et critères essentiels qui caractérisent quantitativement et qualitativement les pays développés, sous-développés ou pauvres, les pays émergents et en voie d’émergence ;
– Elle soumet la RDC à ces caractéristiques quantitatives et qualitatives pour ainsi la situer à ce jour dans l’une ou l’autre catégorie ;
– Elle analyse la cohérence des politiques publiques actuelles du Gouvernement avec l’objectif de l’émergence ainsi identifiée, à l’horizon 2030.
L’analyse montre qu’avec un taux de croissance de 10%, la RDC, en partant de son PIB/hab de 500$ en 2015, va à peine atteindre le niveau actuel des pays pauvres comme l’Angola, le Congo, le Sénégal, le Kenya, la Côte d’Ivoire, etc. dont les PIB/hab sont respectivement de 5.700$, 3.408$, 1.130$, 1.320$ et 1.410$, soit un PIB de 1.300$ en 2030.
Or, le Gouvernement, à la fin de 2015, face à la faible capacité de la résilience de l’économie, vient de revoir à la baisse, soit à 7,7%, le taux de croissance pour l’exercice 2016.
Il va sans dire que non seulement le Gouvernement aura du mal à tenir ce taux de croissance pour les années qui viennent, mais aussi à l’augmenter à 10%, qui est notre cible pour atteindre le PIB/hab de 1.300$ en 2030. Ceci d’autant plus que les politiques publiques actuelles du Gouvernement sont en train de montrer leur limite face à la crise économique, financière et monétaire internationale qui commence à sévir.
En effet, au début du premier trimestre 2016, les équilibres des comptes publics ont été rompus.
Le compte général du Trésor enregistre de déficits très prononcés de 136,9 milliards de CDF en 2014 et 192,0 milliards de CDF en 2015, soit une détérioration de 40,2% d’une année à l’autre.
Le Gouvernement ne travaille plus que pour payer les salaires et quelques dépenses de souveraineté.
Les réserves de change ont baissé de 2012 à Janvier 2016, soit respectivement 1.634,2 (9 semaines) à la fin de Décembre 2012 et 1.390 millions de $US (à moins de 6 semaines) en fin Janvier 2016.
Du fait de la dollarisation de l’économie, les banques commerciales ressentent des difficultés de liquidités et sont menacées de banqueroute en face d’une Autorité monétaire qui ne peut les refinancer significativement avec ses faibles réserves en monnaies internationales.
Quelles sont les reformes et les politiques publiques qui s’imposent pour sortir le pays de cette situation ?
La réponse à cette question fera partie de la conclusion et des suggestions de la tribune.
– PAYS DEVELOPPES, PAYS SOUS-DEVELOPPES OU PAUVRES ET PAYS EMERGENTS
– Les pays développés sont ceux dont le processus de transformation des structures économiques, sociales, culturelles, institutionnelles ont permis l’apparition de la croissance et sa prolongation dans le temps et favoriser ainsi l’amélioration cumulative du bien-être matériel de leurs populations.
Le développement peut se mesurer quantitativement et qualitativement.
Quantitativement, il se mesure entre autres par le Produit Intérieur Brut par habitant (PIB/Hab).
Les statistiques mondiales, www.statistiques-mondiales.com indique que la moyenne de PIB par tête d’habitant, pour les pays développés varie entre 40.000 $ et 100.000 $ par an et par habitant.
Qualitativement, ces pays ont des traits communs suivants : une transformation de la société, du progrès des mentalités et l’amélioration de la qualité de vie qui est évaluée par l’indicateur de développement humain, l’IDH. C’est un indice qui prend en compte plusieurs facteurs : l’espérance de vie, le niveau d’instruction et le niveau de vie.
Il varie de 0 à 1 (au-delà de 0,8, on estime qu’il est élevé ; en-dessous de 0,5, on estime qu’il est faible).
– Les pays sous-développés ou pauvres sont ceux dont le développement est bloqué par l’absence des conditions propices à une transformation des structures économiques, sociales, culturelles et institutionnelles, de nature à faire apparaître la croissance.
Le sous-développement, comme le développement, peut se mesurer quantitativement et qualitativement.
Quantitativement, il se mesure aussi entre autres par le PIB par tête d’habitant. Les statistiques mondiales, www.statistiques-mondiales.com indique que la moyenne de PIB des pays sous-développés varie entre 1.000 $ et 10.000 $ par tête d’habitant/par an.
D’autres indicateurs quantitatifs s’ajoutent pour mieux identifier cette catégorie des pays. Il s’agit du volume de crédit et de dépôts, du taux de bancarisation de l’économie, etc.
Qualitativement, les pays sous-développés se caractérisent par :
⦁ l’insuffisance alimentaire ;
⦁ les faiblesses de l’agriculture ;
⦁ la faiblesse du revenu national moyen et des niveaux de vie ;
⦁ une industrialisation embryonnaire ;
⦁ une faible consommation d’énergie mécanique ;
⦁ un secteur commercial hypertrophié ;
⦁ des structures sociales arriérées ;
⦁ le faible développement des classes moyennes ;
⦁ la faiblesse de l’intégration nationale ;
⦁ l’importance du sous-emploi ;
⦁ la faiblesse du niveau d’instruction ;
⦁ la forte natalité ;
⦁ un état sanitaire défectueux bien qu’en voie d’amélioration, etc.
⦁ Les pays émergents sont à mi-chemin entre les deux premiers.
Quantitativement, leurs PIB comme on peut le voir dans le tableau n°10 en annexe rivalisent avec ceux de certains pays développés.
La croissance d’un pays émergent n’est plus basée sur l’exploitation agricole ou minière mais sur une industrie en pleine croissance. Un pays émergent aujourd’hui est un pays développé de demain.
Qualitativement, les pays émergents ont généralement amorcé une libéralisation de leur économie et le rôle de l’Etat dans l’économie va en s’amenuisant. On assiste également à une ouverture de leurs marchés aux investissements étrangers.
⦁ Les caractéristiques économiques et sociales des pays émergents
⦁ L’IDH et le PIB inférieurs à ceux des pays développés, entre 7.000 $ et 20.000 $ par habitant ;
⦁ Une croissance forte ;
⦁ Une participation de plus en plus croissante dans l’économie mondiale ;
⦁ Les infrastructures économiques et sociales de base sont importantes ;
⦁ Le taux de bancarisation élevé.
⦁ Les préalables de l’émergence
Ainsi donc, les conditions de l’émergence peuvent varier d’un contexte historique à un autre.
Les traits communs : gouvernance politique et économique.
⦁ Un solide leadership politique démocratique ;
⦁ Une bonne vision politique, une volonté politique forte et clairvoyante ainsi qu’une réelle cohésion nationale caractérisée par un grand rapprochement des gouvernants aux gouvernés, garantissant une bonne gouvernance grâce à une large transparence dans la gestion de la chose publique ;
⦁ La stabilité des institutions dans le respect de l’alternance démocratique ;
⦁ La création d’une dynamique économique par la politique de grands travaux, visant la promotion d’une croissance inclusive, distributive et consolidée, fondée sur une diversification et une modernisation de l’économie ;
⦁ La promotion d’une industrie industrialisante et disposant d’une matrice intersectorielle ;
⦁ L’intégration de l’économie nationale à l’économie mondiale, qui passe avant tout par une intégration de l’économie avec elle-même, au niveau interne.
II. REPERES SOCIO-ECONOMIQUES DE LA RDC
⦁ PIB en 2015
Du point de vue de repères quantitatifs, la RDC en 2015 présente un PIB qui s’élève à 40 milliards de $ US. Avec une population de 80 millions d’habitants, le PIB par tête d’habitant s’élève à 500$. Cela signifie qu’un Congolais vit avec 1,40$ par jour.
⦁ Epargne et crédit en 2015
Le volume des dépôts en 2015 s’élève à environ 4 milliards de $, tandis que celui de crédit se situe autour de 3 milliards de $.
Le taux de financement de l’économie est de 6%, celui de mobilisation de l’épargne à 16%, tandis que de bancarisation se situe à 5%.
Le taux d’intérêt bancaire très prohibitif est de 17%, celui de rémunération de dépôts, très bas, s’élève à 3%.
⦁ Infrastructures en 2015
Le pays ne dispose pas d’infrastructures de base :
⦁ Routes : 5% du total du tracé colonial en routes (soit 58.000 km), sont modernisées et macadamisées ;
⦁ 4.000 km de chemin de fer vétustes ;
⦁ Non intégration géographique du pays due à l’absence d’une trans-nationale ;
⦁ Une desserte en eau potable et en électricité respectivement de 20% et 9%, etc.
⦁ Repères socio-économiques de la RDC en 2015 comparés à ceux des pays émergents en 2015
Il s’agit ici de montrer l’écart entre la RDC et les pays émergents et dégager le niveau du retard à rattraper.
Comme on le voit dans le tableau n°2 ci-haut, le PIB/habitant de la RDC, soit 500$ par an en 2015 est largement en dessous de ceux des pays émergents dont la moyenne, excepté pour l’Inde (1.499$), varie entre 7.000 et 13.800$ par an et par tête d’habitant. Il s’agit de la Chine, de l’Afrique du Sud, du Brésil et de la Russie.
Si pour la RDC, un habitant vit avec 1,40$ par jour, pour les pays émergents, un habitant vit en moyenne avec 20 ou 38$ par jour (à l’exception de l’Inde) contre en moyenne de 150 ou 200$ pour un habitant des pays développés.
La RDC est 187ème sur 188 pays répertoriés pour l’indice de développement humain. Il se situe à 0,338. Il est parmi les plus faibles du monde.
La moitié de la population active de la RDC est au chômage, tandis que dans les pays émergents, le taux de chômage se situe autour de 7% excepté l’Afrique du Sud qui avoisine 25,6%.
L’espérance de vie d’un Congolais est de 56 ans, celle des pays émergents est en moyenne de 70 ans, excepté l’Afrique du Sud, qui est de 54 ans.
Le taux d’alphabétisation de la population congolaise est fixé à 66,8%, et pour les pays émergents, il tourne autour de 95%, excepté l’Inde qui est à 62,8%.
⦁ Repères socio-économiques de la RDC en 2015 comparés à ceux des pays en voie d’émergence
Ici aussi, le gap à combler entre la RDC et les pays en voie d’émergence reste considérable.
Comparé aux PIB/habitant des quelques pays en voie d’émergence (Argentine, Mexique, Egypte, Iran et Gabon), celui de la RDC, soit 500$ par an en 2015, est largement en dessous de ces derniers. Leurs PIB par habitant varient pour la même période entre 3.500 et 13.000$ par an.
Si un Congolais vit avec 1,40$ par jour, pour les pays en voie d’émergence, un habitant vit en moyenne avec 10 ou 35$ par jour, soit pour Argentine, Mexique, Egypte, Iran et Gabon, respectivement 35$ ; 29,20$ ; 8,90$ ; 14,30$ et 26,40$.
La RDC a l’indice de développement humain le plus faible du monde soit 0,338 avant le Niger, or tous les pays en voie d’émergence sont catégorisés dans la rubrique « Développement humain moyen ».
Le taux de chômage, en RD, est de 50%, soit la moitié de la population active, tandis que dans les pays en voie d’émergence, le taux de chômage varie entre 5% et 20%.
L’espérance de vie d’un Congolais tourne autour de 56 ans, celle des pays en voie d’émergence est en moyenne de 70 ans.
Le taux d’alphabétisation de la population congolaise est fixé à 66,8% suivant le site www.indexmundi.com, et pour les pays en voie d’émergence, il varie entre 74% et 98%.
⦁ Repères socio-économiques de la RDC en 2015 comparés à ceux des pays pauvres
Le PIB par tête d’habitant de la RDC, soit 500 $ et comme on le voit dans le tableau ci-haut, est largement inférieur à ceux des autres pays pauvres (Angola, Congo-Brazzaville, Sénégal, Kenya et Côte-d’Ivoire) dont la moyenne varie entre 1.100 et 5.700$ par an et par tête d’habitant.
Si pour la RDC, un habitant vit avec 1,40$ par jour, dans les pays dits pauvres de notre échantillon, un habitant vit en moyenne avec 3 ou 16$ par jour.
On voit que la RDC est un pays non pas pauvre, mais sous-pauvre, car avec ses 1,40$ par jour, le Congolais reste en dessous du seuil de pauvreté tel que nouvellement défini par les Nations Unies et qui se situe à 1,80$.
III. QUID DE L’EMERGENCE DE LA RDC A L’HORIZON 2030
3.1. De l’émergence classique
La question ici est de savoir si, d’ici 15 ans, soit en 2030, la RDC aura atteint le niveau actuel des pays émergents, du point de vue des repères quantitatifs et qualitatifs :
⦁ Le PIB et le PIB par tête d’habitant ;
⦁ Le modèle économique, social et culturel.
Du point de vue quantitatif, pour répondre à cette question, nous avons retenu :
⦁ Deux taux de croissance du PIB comme hypothèses de travail, à savoir 7,5% et 10% par an, pour la période allant de 2015 à 2030 ;
⦁ Un taux de croissance naturel pour la population de 3,5% pendant la période sous étude.
La même question a été formulée pour scruter l’avenir de la RDC au bout de ladite période, par rapport au niveau actuel des pays en voie d’émergence mais aussi par rapport à celui des autres pays dits pauvres de l’Afrique subsaharienne dont la moyenne du PIB, selon le Rapport 2014 de la BCC, est de 3.400$.
⦁ PIB à l’horizon 2030
⦁ Hypothèse de taux de croissance annuel : 7,5% et de taux de croissance démographique de 3,5%
Comme on le voit dans les tableaux n°5 et 6 ci-haut, le niveau du PIB de la RDC à l’horizon 2030 va passer respectivement de 40 milliards $ à :
⦁ 120 milliards $ pour le taux de croissance de 7,5% ; et
⦁ 170 milliards $ pour le taux de croissance de 10% l’an.
Ainsi, le PIB par tête d’habitant pour une population qui va croitre, au taux de 3,5%, de 80 millions à 130 millions d’habitants en 2030, sera respectivement de :
⦁ 930$ par habitant par an et 2,50$ par habitant par jour, si le taux de croissance moyen est fixe à 7,5% l’an dans la période ;
⦁ 1.300$ par habitant par an et 3,50$ par habitant par jour, si le taux de croissance moyen est de 10% l’an dans la période.
⦁ Repères économiques de la RDC en 2030 comparés à ceux des pays émergents en 2015
Comme on voit dans le tableau n°7 ci-après, par rapport au niveau actuel des pays émergents, selon l’hypothèse de 10% du taux de croissance, en 2030, la RDC atteindra un PIB de 1.300$ par habitant, par an. Cela veut dire qu’un Congolais vivra avec 3,50$ par jour, alors qu’en 2015, les habitants des pays émergents ont une moyenne de PIB par jour qui varie entre 20 et 40$, hormis l’Inde.
Comparée aux pays dits pauvres dans le tableau n°9 ci-haut et selon la même hypothèse de 10% du taux de croissance, la RDC avec 3,50$ atteindra à peine le niveau de leur PIB, car leur moyenne journalière varie entre 3,50 et 15,60$, excepté le Sénégal (3,10$).
3.2. De l’émergence sus-generis de la RDC à l’horizon 2030
Comme on vient de le voir, la RDC ne pourra avec un taux de croissance de 10% atteindre en 15 ans le statut de pays émergent, ni celui de pays en voie d’émergence. Il pourra à peine, s’il réussit à maintenir ce dernier taux de croissance de 10% « émerger » de son statut actuel de pays sous-pauvre à celui de pays pauvre comme le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Kenya, etc.
Notre pays a émergé, de 2001 à 2015, d’un pays en lambeaux (nous empruntons l’expression du Premier Ministre Matata dans son dernier ouvrage), avec un PIB par tête d’habitant de 100$ (le Congolais vivait en 2000 avec 0,30$ par jour) au statut d’un pays sous-pauvre en 2015 avec un PIB de 500$ par habitant (ici le Congolais a commencé à vivre avec 1,40$ par jour en 2015).
Il pourrait également durant les 15 prochaines années, émergé de ce statut de pays sous-pauvre à celui de pays pauvre, dans lequel le Congolais pourra améliorer son revenu journalier de 1,40$ à celui de 3,50$.
Face à cette nature d’émergence dite sus-generis, différente de l’émergence classique dont la propagande est faite ces dernières années, la vraie question est celle de savoir, comment et à quelles conditions le pays pourrait passer du taux de croissance de 7,7% fixé par le Gouvernement pour l’année 2016 à celui de 10% et réussir au minimum à le maintenir en vue de l’atteinte de l’objectif indiqué ci-haut, en 2030, à savoir le niveau du PIB/Habitant actuel du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, etc. ?
IV. CONCLUSION ET SUGGESTIONS
Nous venons de rappeler que :
⦁ Le Congolais vit avec, en moyenne aujourd’hui 1,40$ par jour (500$ pendant 365 jours), tandis qu’il y a 15 ans, soit en 2001, il vivait avec 0,30$ par jour ;
⦁ Le PIB/habitant de 500$ fait donc de la RDC un pays dont le citoyen moyen vit en dessous du seuil de pauvreté ;
⦁ Le taux de chômage en RDC est au-dessus de la moyenne de l’Afrique subsaharienne. Sur une population active de 44 millions, 90 % de la tranche qui travaille, opère dans le secteur informel et reste dépourvue de toute sécurité sociale ;
⦁ Le taux de croissance démographique varie entre 3 et 3,5% ; il s’ensuit que la population congolaise va passer de 80 millions à 130 millions de 2015 à 2030. L’économe voit venir sur le marché de l’emploi chaque année en moyenne 2.000.000 de jeunes pendant qu’elle ne crée au courant de l’année qu’en moyenne 50.000 emplois. La différence, soit plus ou moins 1.950.000 jeunes, vient gonfler le rang de sans-emplois. Pendant ce temps, le Gouvernement prétend que 100% de ces jeunes qui ne trouvent pas d’emplois dans le secteur formel, se mettent à leur propre compte en créant de l’auto-emploi ;
⦁ Le PIB de la RDC devra augmenter de 40 milliards de $ en 2015 à 170 milliards de $ en 2030, soit 4,25 fois plus ou encore 325% (dont la moyenne annuelle est de 10%) afin que la RDC atteigne en 2030 le seuil du PIB d’un pays pauvre de l’Afrique subsaharienne, soit 1.300$ ;
⦁ Face à la crise économique, financière et monétaire internationale, qui a commencé à sévir dès la fin de l’année 2015, le Gouvernement a réduit les ambitions du pays à un taux de croissance de 7,7% ;
⦁ Avec cette crise économique, financière et monétaire, la RDC ne saurait ni maintenir le niveau du taux ci-haut, ni le faire évoluer à la hausse pour atteindre celui de 10% nécessaire à l’atteinte de l’objectif ci-haut indiqué.
Que faire ?
Pour arrêter l’effondrement en cours de la situation financière et monétaire du pays, quelques mesures urgentes s’imposent au Gouvernement, en vue de :
⦁ restaurer à moyen terme les équilibres des comptes publics ;
⦁ porter le taux de croissance de 7,7% établi par lui pour 2016 à celui de 10% pour le reste de la période. Il s’agit de :
⦁ changer d’orientation et revenir aux politiques publiques engagées par le pays depuis 2001, sabordées par le Gouvernement « 1+4 » à fin 2006, relancées, renforcées et amplifiées à partir de 2007 jusqu’en 2011. Lesdites politiques, malheureusement abandonnées depuis 2012 par le Gouvernement actuel, méritent d’être réactivées de la manière ci-après :
⦁ arrêter un plan d’aide internationale, plus ambitieux que celui du quinquennat 2007-2011, avec l’appui et l’assistance du FMI et de la Banque Mondiale. Ce plan devra s’assoir sur une évaluation complète de l’étendue de la faillite et des déficits des comptes publics actuels, à savoir :
⦁ les déficits des comptes du pouvoir central et des 26 provinces ;
⦁ les déficits d’exploitation des comptes de la Banque Centrale du Congo de plus en plus croissants. L’Institut d’émission a besoin que sa recapitalisation, arrêtée depuis 2012, soit relancée pour renforcer sa capacité d’intervention en faveur des banques commerciales menacées aujourd’hui de banqueroute. L’appui des Institutions de Bretton Woods s’impose pour permettre à la BCC de disposer des liquidités nécessaires à cet effet ;
⦁ les déficits des comptes d’exploitation et patrimoniaux des entreprises publiques, etc.
⦁ accélérer les réformes desdites entreprises publiques en vue de rendre effectif le partenariat public-privé ;
⦁ mobiliser les ressources de la part de partenaires traditionnels de la RDC, bi ou multilatéraux pour relancer le programme des travaux d’infrastructures aujourd’hui à l’arrêt.
Rappelons qu’au courant de 3 dernières années, le Gouvernement n’arrive pas à mobiliser les budgets en ressources extérieurs nécessaires aux dépenses d’investissement dont le taux d’exécution a tourné autour de 25%.
Les ressources propres destinées aux investissements sont orientées vers le fonctionnement de l’Etat dont le train de vie ne fait qu’augmenter à travers des dépenses dites urgentes. L’enveloppe de ses derniers a dépassé des seuils acceptables ces derniers années ;
⦁ en outre, l’ouverture formelle du pays à la communauté financière internationale lui permettra de mobiliser aisément des ressources pour l’organisation de l’ensemble des élections.
Ainsi pour faire face à cette crise financière et monétaire actuelle, laquelle vient s’ajouter à la crise politique en cours, avec le risque de l’aggraver, un consensus politique est nécessaire de la part des acteurs politiques, pour la mise en place de ce plan d’aide internationale et la mobilisation des ressources financières nécessaires au salut du pays.
Fait à Kinshasa, le 21 mars 2016
Adolphe MUZITO
Premier Ministre honoraire